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Suicide au travail et risques psychosociaux

Management agressif : la Cour de cassation rappelle que les risques psychosociaux peuvent coûter très cher

Introduction

L’obligation de sécurité de l’employeur ne se limite pas aux risques physiques : elle englobe aussi la santé mentale de ses salariés. La Cour de cassation l’a rappelé avec force dans un arrêt rendu le 25 septembre 2025 (n° 23-14.460) : un employeur peut être condamné pour faute inexcusable lorsqu’il a été alerté sur des risques psychosociaux (RPS) graves et qu’il n’a pas réagi, même si la conséquence tragique est un suicide.


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Cet arrêt marque une étape importante dans la jurisprudence SST : non seulement la Cour reconnaît que le suicide peut relever de la compétence « accident du travail / AT », mais elle rappelle que le manquement de l’employeur peut être lourd de conséquences s’il a eu conscience du danger psychosocial.


1️⃣ Les faits et la décision de la Cour

  • Le contexte : une salariée récemment licenciée se suicide. Ses ayants droit engagent une action pour faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur. Selon eux, l’employeur était alerté des risques psychosociaux, notamment via le médecin du travail et via un courrier personnel de la salariée.
  • Les alertes :
    • Le médecin du travail avait informé l’entreprise, dans des courriers, de la dégradation de l’état psychologique de plusieurs salariés, pointant des pratiques managériales problématiques.
    • La salariée avait elle-même adressé un courrier décrivant le stress quotidien, les difficultés psychiques et les conséquences sur sa santé.
  • La décision de la Cour de cassation : la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel, estimant que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience des risques psychosociaux. En ne prenant aucune mesure efficace pour y remédier, il a commis une faute inexcusable.
  • Conséquence du renvoi : l’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel pour réévaluation des dommages et de l’indemnisation.

2️⃣ Les enseignements clés de l’arrêt

🔹 La conscience du danger psychosocial

L’arrêt met en lumière la notion de conscience du danger : l’employeur n’a pas seulement un devoir d’action quand un risque physique est identifiable, mais aussi quand des signaux psychosociaux sont remontés. La Cour considère que, dans ce cas, il avait ou aurait dû avoir conscience de la gravité des risques.

🔹 L’inaction face aux alertes : un manquement grave

Le simple fait d’être alerté ne suffit pas : l’employeur doit répondre concrètement. Ici, l’absence totale ou l’insuffisance de réaction (quel que soit le niveau des alertes : médecin du travail, salarié) constitue un manquement inexcusable.

🔹 La réparation intégrale pour les ayants droit

La reconnaissance de la faute inexcusable permet aux ayants droit de la victime d’obtenir une réparation renforcée, notamment via la majoration de la rente d’incapacité permanente ou d’autres compensations (dommages et intérêts).
Cela montre que la Cour de cassation ne considère pas ce type de drame comme un simple accident « irrémédiable », mais comme une responsabilité juridique réelle de l’employeur.

🔹 Une obligation de prévention plus large

Cet arrêt rappelle que l’obligation de sécurité va au-delà des accidents classiques : les RPS, en particulier le risque suicidaire, sont désormais au cœur des préoccupations de la jurisprudence. Il y a un message clair : l’employeur ne peut pas fermer les yeux sur la souffrance psychique.


3️⃣ Conséquences pratiques pour les employeurs

🔹 Renforcer la prévention des RPS

  • Mettre en place des dispositifs d’écoute : cellules psychologiques, hotline d’alerte, entretiens de suivi.
  • Former les managers pour qu’ils puissent détecter les signaux faibles : isolement, fatigue, irritabilité, détérioration psychologique.
  • Associer le médecin du travail dans une démarche proactive, pas seulement réactive.

🔹 Documenter toutes les alertes et les réponses

  • Tenir un registre des alertes (courriers, entretiens, signalements internes).
  • Formaliser les actions prises : entretiens, décisions de réorganisation, mesures individuelles.
  • Assurer le suivi dans le temps : les mesures ne doivent pas être ponctuelles mais inscrites dans un plan d’action.

🔹 Intégrer le risque suicidaire dans le DUERP

  • Les risques psychosociaux incluant le suicide devraient être explicitement évalués dans le DUERP.
  • Prévoir des actions spécifiques de prévention du suicide : sensibilisation, formation, plan de crise.
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🔹 Favoriser une culture d’entreprise bienveillante

  • Promouvoir une communication ouverte entre les salariés, le management, les RH et la médecine du travail.
  • Encourager l’intervention préventive plutôt que l’attente d’un signal dramatique.
  • Mettre en place des processus de médiation et de dialogue lorsque des tensions psychosociales sont identifiées.

4️⃣ À retenir

  • L’arrêt du 25 septembre 2025 (n° 23-14.460) consacre une jurisprudence forte : la faute inexcusable peut être retenue en cas de suicide lié à des RPS, si l’employeur a été alerté et ne réagit pas.
  • L’obligation de sécurité de l’employeur s’étend à la santé mentale, pas seulement aux accidents physiques.
  • Agir dès le signalement, documenter, mettre en place des mesures concrètes et pérennes sont désormais des impératifs légaux — et humains.
  • Une culture d’entreprise qui valorise l’écoute et la prévention protège non seulement les salariés, mais aussi juridiquement l’employeur.

Conclusion

La décision de la Cour de cassation de septembre 2025 rappelle avec force que la santé mentale des salariés est au cœur des obligations de l’employeur. Le silence face à la souffrance psychologique, et notamment aux risques psychosociaux pouvant conduire au suicide, peut entraîner des conséquences humaines et juridiques graves.

Chez Jurisphera, nous accompagnons les entreprises pour prévenir les RPS et sécuriser leur environnement de travail. Notre page dédiée aux risques psychosociaux propose des ressources pratiques, et notre équipe peut vous guider pour mettre en place des dispositifs d’alerte, des actions de prévention et un suivi efficace des salariés.

Agir dès les premiers signaux, documenter toutes les alertes et mettre en place des mesures concrètes est essentiel pour protéger à la fois les salariés et l’entreprise. N’attendez pas qu’une situation dramatique se produise pour agir : prévenir les RPS, c’est protéger des vies et sécuriser juridiquement votre organisation.

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